Coalition européenne contre le cancer du sein
Lutter pour des soins optimaux

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La reprise des activités professionnelles

Mireille Aimont

L’avis de l’expert

Les conséquences professionnelles liées au diagnostic et traitement du cancer du sein sont très rarement envisagées dans les consultations oncologiques pourtant elles constituent une problématique d’importance chez des femmes de plus en plus actives sur le marché du travail. Or si pour les femmes en bonne santé l’égalité des chances professionnelles est déjà problématique, dans le contexte des lourdes complications physiques et psychologiques entraînées par le traitement du cancer du sein, il est important de réfléchir aux éventuelles difficultés professionnelles que pourraient rencontrer les femmes touchées par la maladie.

Ces patientes expriment très souvent leur inquiétude par des questions posées au cours d’une consultation : Faut-il parler de la maladie à son employeur au risque peut-être de perdre son emploi ou d’être reléguée à un poste secondaire ? Faut-il changer de travail sans aucune assurance d’avenir ? Les traitements finis, à quel moment reprendre son activité professionnelle ? Sera-t-il possible de retravailler comme avant malgré cette fatigue qui perdure?

Nous avons été sensibilisées par ces interrogations reflétant pour beaucoup de ces femmes leur propre désarroi face aux difficultés professionnelles rencontrées. En vue d’objectiver l’importan-ce d’un tel problème et de pouvoir y répondre, nous avons mené une étude auprès de 586 patientes en leur envoyant, 6 mois après leur hospitalisation, un questionnaire. Quatre cent dix huit femmes nous ont répondu (taux de réponse : 71%). Trois cent nonante six questionnaires étaient évaluables.

Les résultats préliminaires sont intéressants et pointent un malaise certain.
Alors que 249 femmes (63%) travaillent au moment du diagnostic du cancer du sein, 113 (45%) d’entre elles disent avoir connu des changements dans leur vie professionnelle suite à la maladie. Ces changements sont caractérisés soit par un arrêt total de travail ou une demande de prépension (58% ) liés pour certaines à de graves problèmes de dépression et d’anxiété, soit par une diminution du temps de travail, une réorientation ou un changement de profession (42%). Dans ces derniers cas, la décision est souvent prise suite à des problèmes physiques qu’engendrent la chirurgie du sein (interdictions ou mise en garde de certains mouvements spécifiques : éviter des mouvements répétitifs, ne plus porter de lourdes charges du côté du bras opéré….)

Nous notons également que parmi ces 113 femmes connaissant des changements dans leur vie professionnelle, 18 d’entre elles avaient moins de 40 ans et 52 moins de 50 ans, c’est-à-dire, que deux femmes sur trois ont rencontré des difficultés à un âge de plein épanouissement professionnel. De plus, les femmes ayant subi des traitements lourds (chimiothérapie et radiothérapie) rencontrent plus de problèmes professionnels que les femmes ayant subi de la radiothérapie ou pas de traitement du tout.

Physiquement, ces patientes sont sans doute aptes à recommencer à travailler mais psychologiquement, elles en sont totalement incapables. Ces résultats pointent toute l’importante qu’occu-pe le travail d’une équipe médicale sensibilisée par la problématique des difficultés professionnelles rencontrées par les femmes atteintes de cancer du sein. Ainsi par exemple le sénologue attentif à de tels problèmes peut réorienter la patiente vers des entretiens psychologiques déjà amorcés lors des rencontres en cours d’hospitali-sation de la patiente avec le psychologue de l’équipe. Mettre en évidence l’importance de ces problèmes professionnels est certainement une étape mais il reste beaucoup à faire dans le domaine de la gestion de ces difficultés au travail ! Cette étude pilote montre indiscutablement l’exis-tence de conséquences professionnelles non négligeables pour près de la moitié (45%) des femmes touchées par le cancer du sein et qui exerçaient une activité professionnelle avant le diagnostic de la maladie.