Désir d’enfant et cancer du sein
Dr Fabienne Liebens, Clinique du sein – Département de Gynécologie – Obstétrique, CHU Saint Pierre – Bruxelles.
De 1970 à 1990, le taux de première grossesse a augmenté de 100% pour les femmes âgées de 30 à 39 ans et de 50% pour celles de 40 à 44 ans. En Belgique néerlandophone des statistiques de 2002 ont montré que 50% des femmes accouchent de leur premier enfant après 35 ans. Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme et survient dans environ 10% des cas à un âge où une grossesse est théoriquement possible. Bien que des progrès restent encore à accomplir, les taux de survie en cas de cancer du sein au stade I et II se sont améliorés sensiblement ces dernières années et ceci peut être attribué aux avancées du dépistage et des traitements. Parallèlement la qualité de vie est devenue un sujet de préoccupation pour les patientes et les équipes médicales.
En moyenne chaque année en Belgique, 500 cancers du sein du sein surviennent chez des femmes de moins de 40 ans. Pour beaucoup de ces femmes jeunes, le diagnostic de cancer du sein va survenir à un moment où fonder voire agrandir une famille est un souhait majeur. Parmi les moyens thérapeutiques dont nous disposons pour soigner les cancers de ces femmes jeunes, l’hormonothérapie n’a pas d’impact direct sur la fertilité mais va retarder la grossesse car celle-ci est contre indiquée pendant ce traitement souvent recommandé pendant plusieurs années. La chimiothérapie entraîne des risques d’insuffisance ovarienne, de ménopause précoce et donc de stérilité définitive. Ce risque peut avoir un impact sur la détresse émotionnelle et la qualité de vie. De plus certaines femmes si elles sont restées fertiles, vont se voir conseiller d’attendre plusieurs années avant d’être enceinte pour s’assurer de l’absence d’une récidive. Or la fertilité diminue avec l’âge. Les stratégies disponibles pour concilier le traitement du cancer et le désir d’une grossesse future doivent systématiquement être proposées et discutées avant la mise en route des thérapies anticancéreuses. Dans l’espoir de préserver la fertilité, la participation à des essais cliniques devrait être encouragée par les équipes pluridisciplinaires y compris les gynécologues. Il existe une vie après le cancer et pouvoir mettre un enfant au monde en fait partie.
Communiquer à propos de la fertilité
Par rapport aux femmes postménopausées, les femmes préménopausées sont exposées à des effets secondaires particuliers des traitements adjuvants tels que l’insuffisance ovarienne et la ménopause précoce. On connaît aujourd’hui l’importance d’une information de qualité dans son contenu et dans sa forme. Celle-ci est associée à un meilleur bien-être émotionnel, physique et social ainsi qu’à une meilleure adhésion aux traitements et une satisfaction optimale par rapport aux soins reçus.
Bien que de très nombreuses études aient évalué les besoins d’information des patients atteints de cancer du sein, seulement deux parmi elles se sont intéressées spécifiquement aux besoins d’information liée à la fertilité chez des femmes préménopausées. D’après les données dont nous disposons, le risque d’infertilité a influencé leur choix de traitement pour 19% des femmes jeunes atteintes d’un cancer du sein et les soignants ont correctement répondu à leur besoin d’information à ce sujet pour 51%. Septante et un % ont discuté de fertilité et 86% de ménopause avec les équipes soignantes. Au moment de l’annonce du diagnostic recevoir des informations sur le risque d’infertilité associé au traitement était jugé par ces femmes comme plus important que de recevoir des informations sur les problèmes de ménopause. Parmi les membres de l’équipe pluridisciplinaires, ce sont les chirurgiens et les oncologues qui fournissent ces informations et pas les gynécologues. Dans les deux seules études actuellement disponibles, il apparaît que les femmes souhaiteraient, au moment de la décision thérapeutique, plus d’informations sur les conséquences de la chimiothérapie sur leur fertilité, sur les possibilités de préserver cette fertilité et sur les risques de mener à bien une grossesse après cancer du sein.
Que faire ?
En pratique le problème est d'offrir à la patiente le plus de chance de préserver sa fertilité sans mettre en jeu des techniques hasardeuses qui entraîneraient un risque oncologique et/ou qui pourraient au contraire lui faire perdre des chances de grossesse. La concertation entre le gynécologue, le biologiste de la reproduction et le cancérologue est indispensable pour offrir le maximum de chance à la patiente de préserver sa fertilité. Parallèlement aux modifications de schémas thérapeutiques classiques pour entraîner moins de risque d’insuffisance ovarienne sans compromettre le pronostic, des voies prometteuses sont actuellement à l’étude. Celles-ci utilisent les progrès récents des techniques de procréation médicalement assistée (PMA). Citons : la cryopréservation des embryons, la cryopréservation des ovocytes, la cryopréservation de tissu ovarien.
Conclusion
Ces dernières années ont vu se développer en oncologie, un intérêt croissant pour la qualité de vie. Pour la majorité des femmes jeunes, pouvoir donner la vie fait partie de la qualité de vie. Bien que très parcimonieuses, les données récentes disponibles nous suggèrent que les femmes jeunes souhaiteraient plus d’informations sur les conséquences de la chimiothérapie sur leur fertilité, sur les possibilités de préserver cette fertilité et sur les risques de mener à bien une grossesse après cancer du sein. Il existe aujourd’hui un réel besoin d’intégrer une réflexion pluridisciplinaire incluant le gynécologue et le biologiste de la reproduction, au sujet de ces questions importantes. Parallèlement à l’information nécessaire avant la mise en route des traitements, la participation de nos patientes aux protocoles en cours devrait être encouragée. Ceci afin de mieux intégrer dans le futur la place des techniques de PMA dans la prise en charge du cancer du sein qui survient chez la femme jeune et de progresser dans la compréhension des risques et bénéfices associés aux traitements de l’infertilité dans cette population vulnérable.
(Action Sein 2006)