Soutien psychosocial : une enquête belge...
Impact psychologique de l’annonce d’un cancer du sein
L’annonce d’un cancer du sein est, pour une femme et pour sa famille, toujours un traumatisme, analogue à celui d’un accident ou d’un choc violent. Avant le diagnostic de cancer du sein, ces femmes sont la plupart du temps en bonne santé.
Elles ne sont pas malades, elles mènent une vie professionnelle et familiale normale.
Leur vie bascule d’un seul coup. De nombreuses peurs les envahissent : est-ce que je vais mourir, est-ce que l’on va me mutiler, que va-t-il m’arriver, est-ce que je vais continuer à avoir une vie sexuelle ? Comment dois-je parler à mes enfants ? Toutes les femmes (et leur famille) ne sont pas égales devant leur adaptation à l’épreuve du cancer. Mais il y a une constance : l’anxiété et les symptômes de dépression sont fréquents au cours des traitements et tout au long du suivi. Si la maladie récidive, la situation psychosociale devient encore plus précaire. Tous ces problèmes doivent être pris en charge et le plus tôt est souvent le mieux !
Mais en Belgique, la prise en charge psychosociale correcte des femmes touchées par le cancer du sein n’est pas une priorité. Cette prise en charge n’est ni organisée, ni financée. Les psychologues, psychiatres et intervenants sociaux sont reconnus par Arrêté Royal comme partie intégrante de l’équipe pluri-disciplinaire oncologique (AR 21/03/2003) mais rien n’est dit sur leur formation nécessaire, l’organisation optimale de leur travail ni leur mode de financement.
Une enquête belge
A l’initiative du Service Public Fédéral Santé Publique, une large enquête nationale a été confiée en 2003 au Professeur Darius Razavi de l’ULB. Cette enquête a été réalisée en collaboration avec la plupart des Universités du pays.
Le projet a pour objectif d’évaluer les interventions qui sont proposées aux patients cancéreux et à leurs proches en matière de soutien psychosocial, mais aussi les véritables besoins des patients, de leurs familles et des intervenants psychosociaux assurant ces interventions.
Il s’agit d’un véritable " état des lieux " de la situation belge. On n’en est pas encore au financement, hélas, mais c’est un pas. EDB espère qu’il sera pris en considération à la mesure de l’importance du problème.
En bref, les investigateurs vont tenter de répondre aux questions suivantes : Quel est l’état émotionnel et quels sont les besoins psychosociaux des patients cancéreux belges et de leurs proches ? Quelle est leur demande de soutien psychosocial?
Quelles sont les tâches qui sont attribuées aux intervenants psychosociaux ? Quel soutien psychosocial offrent-ils aux patients cancéreux et à leurs proches ? Quel soutien désirent-ils leur prodiguer ?
Quels sont les besoins de soutien psychosocial des intervenants eux-mêmes ?
Résultats préliminaires
Une tendance qui confirme l’importance du problème…
Tout d’abord, rappelons que, selon un rapport récent de l’Institut Scientifique de la Santé Publique-Service d’Epidémiologie (2002-011 IPH/EPI), la dépression en Belgique touche, selon les études, 6 à 16% de la population générale. La dépression est une maladie sérieuse qu’il faut prendre en charge et ses conséquences s'étendent même au-delà du champ de la santé. Le taux d'absentéisme est 5 fois plus important chez les dépressifs que chez les personnes ne présentant pas de signes de dépression. Les scientifiques ont aussi évalué ce que coûtait cette maladie. Une estimation belge déjà ancienne (Ansseau
M. 1988) faisait état de frais médicaux(coûts directs uniquement) s'élevant annuellement à plus de 1 milliard d'euros.
Selon les résultats préliminaires de l’étude du Professeur Razavi, un patient sur deux atteint de cancer présente un trouble émotionnel significatif allant des troubles d’adaptation (anxiété par exemple) pour 23% à la dépression ou détresse majeure pour 25%. L’entourage proche n’est pas épargné. Il présente ces troubles avec la même fréquence. Lorsque le patient demande de l’aide psychologique pour faire face aux problèmes non médicaux provoqués par le cancer, il ne l’obtient pas une fois sur quatre. Lorsqu’une personne de l’entourage proche le demande, il ne l’obtient quasi jamais. Pour la première fois, l’enquête nationale révèle clairement ces inégalités dans la réponse à la demande d’aide du patient cancéreux et de son entourage. L’aide provient le plus souvent du médecin spécialiste (74%) et du partenaire (66%), mais rarement d’un psychologue (14%).
La moitié des psychologues concernés par l’enquête souhaitent des formations pour améliorer la qualité de leur travail. Seul un tiers d’entre eux obtient un soutien sur son lieu de travail en cas de difficultés professionnelles. Les psychologues travaillant dans les services d’oncologie se sentent isolés (89%), ont des problèmes de communication avec les équipes médicales (97%), n’ont pas de formation permanente (89%), n’ont même pas de bureau (85%) ni de matériel adéquat (58%). On constate que 21% des psychologues qui ont participé à l’enquête à ce jour présentent des signes de stress professionnel majeur (objectivés par le questionnaire) allant jusqu’au " burn out " !
Si ces résultats préliminaires se confirment (l’enquête prendra fin en novembre 2004), nous sommes confrontés à de graves manquements dans la prise en charge psychosociale des patients cancéreux belges…
Propositions d’Europa Donna Belgium
Europa Donna Belgium pense qu’il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme !
Pour mieux faire face aux conséquences psychologiques de l’annonce d’un cancer et de son traitement, et pour mieux répondre à la demande d’aide du patient et de son entourage proche, il est nécessaire de mettre en place des mesures pour :
- Créer des formations reconnues en psycho-oncologie.
- Augmenter le nombre de psychologues formés en psycho-oncologie.
- Définir l’organisation optimale du travail psychosocial en oncologie.
- Faciliter l’intégration des intervenants psychosociaux dans les équipes pluridisciplinaires d’oncologie.
- Améliorer la détection précoce de la dépression chez les personnes confrontées 11 au cancer.